Sur les écrits de Saint-Just, Rimbaud et Louise Michel
Dans ce billet, je voulais discuter un peu des similitudes entre les écrits de Saint-Just, Arthur Rimbaud, et Louise Michel. La présidente de l'Association Saint-Just, Anne Quennedey, a déjà mentionné les parallèles entre la poésie de Saint-Just et celle de Rimbaud. Récemment, j'ai lu pour la première fois la « Saison en enfer » de Rimbaud et, comme le note Mme Quennedey, j'ai vu de nombreuses similitudes dans les émotions exprimées par les deux jeunes écrivains. Par ailleurs, une amie m'a récemment fait part de son même enthousiasme pour Saint-Just et la littérature, en particulier l'œuvre de Rimbaud.
Arthur Rimbaud était un poète surréaliste qui a malheureusement abandonné la poésie à l'âge de 21 ans. Ses récits vibrants et mélancoliques de la nature et de la guerre sont très populaires, mais peu de gens savent qu'il était en fait plus révolutionnaire qu'on ne le pensait. Des études récentes ont révélé que Rimbaud était en correspondance avec certains communards, bien qu'il soit peu probable que Louise et lui se soient croisés. Il souhaitait apparemment écrire un ouvrage sur l'histoire de la révolution, il était donc peut-être aussi un admirateur de notre Saint-Just.
Cette partie de la section « Mauvais Sang » en particulier m'a rappelé l'écriture émotionnelle de Saint-Just et son désir d'amitié entre tous les peuples:
« Vite! est-il d'autres vies?—Le sommeil dans la richesse est impossible. La richesse a toujours été bien public. L'amour divin seul octroie les clefs de la science. Je vois que la nature n'est qu'un spectacle de bonté. Adieu chimères, idéals, erreurs.
Le chant raisonnable des anges s'élève du navire sauveur: c'est l'amour divin.—Deux amours! je puis mourir de l'amour terrestre, mourir de dévouement. J'ai laissé des âmes dont la peine s'accroîtra de mon départ! Vous me choisissez parmi les naufragés; ceux qui restent sont-ils pas mes amis?
Sauvez-les!
La raison m'est née. Le monde est bon. Je bénirai la vie. J'aimerai mes frères. Ce ne sont plus des promesses d'enfance.
Ni l'espoir d'échapper à la vieillesse et à la mort. Dieu fait ma force, et je loue Dieu. »
Je souhaite également évoquer la manière dont Saint-Just a inspiré une autre de mes figures historiques préférées, Louise Michel, au point qu'elle lui a dédié un poème en 1861. Elle a écrit ce poème dix ans avant la Commune, mais Louise, institutrice à Montmarte, s'identifiait déjà fortement aux principes révolutionnaires de Saint-Just et des autres Montagnards.
Portrait de Louise Michel pris à la prison des Chantiers de Versailles (Musée Carnavalet). Le carton porte l’inscription « Louise Michel, chef des incendiaires ». Cependant, cette idée de la pétroleuse est largement réactionnaire et fausse, car il n'y a aucune preuve que des communardes comme Louise aient brûlé délibérément des bâtiments parisiens.
Vous trouverez ici le poème, mais je vais en inclure un bref extrait. (Voir les pages 20-22.)
J'ai découvert ce poème il y a environ un an, alors que je m'intéressais de plus en plus à Louise et à la Commune, ainsi qu'à ses activités en Kanaky alors qu'elle y a été déportée en tant que prisonnière politique pendant 8 ans. En déportation, elle se familiarise avec la culture kanak grâce aux amitiés qu'elle a nouées avec des Kanaks. Elle enseigne le français aux Kanaks et prend leur parti lors de la révolte kanake de 1878. Louise a également beaucoup contribué au premier dictionnaire kanak-français.
Voici les première et dernière strophes :
« Ombre d’un citoyen, Saint-Just, je te salue !
Viens, frère, parle-moi : l’heure est-elle venue ?
Les Pharaons vont-ils tomber ?
Vois-tu, souvent la nuit, quand l’horizon est sombre,
Je m’en vais en rêvant, et près de moi ton ombre
Se dresse et semble me parler.
Et nous allons tous deux, moi dans l’ombre indécise,
Toi dans l’éternité ; nous allons, et la bise
Pleure les morts et les proscrits.
Et tout ce qui jadis éblouissait le monde,
La liberté, l’honneur, semble dormir sous l’onde.
Le silence même a des cris.
.....
Comme je regardais cette cohorte sombre,
Un d’eux, s’en détachant, vint près de moi dans l’ombre
Et me tendit ses pâles mains,
Comme les donne un frère après les jours d’absence,
Et je lus dans son âme, au milieu du silence,
L’arrêt terrible des destins.
Tous deux nous paraissions à peu près du même âge,
Et soit que ce fût l’âme, ou l’air, ou le visage,
Ses traits étaient pareils aux miens.
Et Saint-Just me disait dans la langue éternelle,
« Entends-tu, dans la nuit, cette voix qui t’appelle,
Écoute, l’heure sonne, viens ! »
En tant que personne très intéressée et inspirée par Louise Michel et Saint-Just, ce poème me touche beaucoup et j'ai voulu le partager ici.
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