Comment se sont développées les interprétations historiques de Saint-Just ?

 

Dans un prochain article, j'ai l'intention d'aborder les deux points de vue les plus importants sur Saint-Just dans l'historiographie de la révolution. Dans ce billet, je souhaite discuter des implications de la représentation idéalisée du jeune révolutionnaire par les historiens de l'ère romantique et de la façon dont même ceux qui voient Saint-Just d'un œil favorable peuvent mal interpréter son personnage. Je recommande fortement la lecture des travaux de l'historienne anglaise Marisa Linton sur les interprétations confuses de Saint-Just et leurs fondements, car je les ai trouvés extrêmement utiles lors de mes recherches pour cet article à venir. 

Les interprétations romantiques du révolutionnaire influencent encore beaucoup ses représentations dans de nombreux cercles, en particulier les cercles de « fandom » en ligne, malgré les nombreuses inexactitudes de ce point de vue. D'où vient cette représentation idéalisée de Saint-Just ? Les travaux des historiens français Michelet et Lamartine permettent de mieux comprendre comment ces idées romanesques sur Saint-Just se sont développées au fil du temps. Par ailleurs, l'influence de ces représentations a fortement inspiré Victor Hugo dans la création d'Enjolras, le courageux chef des Amis de l'ABC dans Les Misérables, ce qui a à son tour influencé la façon dont de nombreuses personnes perçoivent inconsciemment Saint-Just. Que dit l'historien Jules Michelet de notre jeune révolutionnaire dans son récit ? Michelet écrit que Saint-Just était le « plus grand espoir de la France » et la seule personne qui aurait pu forcer l'épée de Napoléon à s'incliner devant la loi. 

Comme nous l'avons vu dans un article de l'historienne Marisa Linton, ces caractérisations erronées ont été utilisées à la fois par ceux qui méprisent Saint-Just et par ceux qui l'admirent.  Cependant, une approche biographique plus individualisée des figures souvent controversées de l'époque s'est avérée utile pour combattre la tendance à traiter ces figures comme de simples idéologies qu'elles ont développées, auxquelles elles ont cru et, dans ce cas, pour lesquelles elles sont mortes. Afin de mieux comprendre l'environnement sociopolitique plus large de la Révolution française, en particulier les deux premières années tumultueuses de la nouvelle république, il faut examiner des personnages comme Saint-Just non seulement d'un point de vue idéologique, mais aussi d'un point de vue personnel. 

Pour les personnalités politiques de l'époque, le personnel et le politique ne font souvent qu'un. Pour mieux comprendre Saint-Just, il ne faut pas l'analyser seulement comme un homme politique, mais aussi comme un individu emporté par la ferveur de l'époque. Minimiser ou ignorer la vie personnelle et les influences rhétoriques d'un politicien révolutionnaire comme Saint-Just, pour qui ces questions étaient profondément liées, serait préjudiciable à la compréhension non seulement de ses idées politiques, mais aussi de leur évolution au fil du temps, ainsi que de son rôle dans la mise en place du cadre de nombreuses mesures révolutionnaires à plus grande échelle. 

C'est pour cette raison que mon prochain article vise à discuter non seulement des influences politiques de Saint-Just qui ont intrigué une pléthore de chercheurs, mais aussi à mettre l'accent sur les traces oubliées qu'il a laissées de son humanité. 

Au Petit Palais, le buste de Saint-Just de David d'Angers (vers 1848), réalisé à partir du pastel d'Angélique Verrier-Maillard. Mme Élisabeth DuPlay-LeBas l'a approuvé et a dit qu'il ressemblait à son ancien ami.